Par Vincent Landry, pharmacien propriétaire et administrateur de l’AQPP
Mon rôle comme pharmacien est de m’assurer que tous mes patients reçoivent les soins et médicaments dont ils ont besoin, et ce, peu importe les circonstances. J’ai l’habitude de gérer des ruptures de médicaments, un aspect d’ailleurs souvent méconnu de notre pratique. Mais depuis le début de la crise de la COVID-19, elles se sont multipliées avec toutes les conséquences qui viennent avec.
Certains diront qu’on n’a qu’à offrir un autre médicament. Mais la réalité d’un pharmacien est beaucoup plus complexe. Il existe bien souvent des solutions, mais chaque changement de médicament demande une évaluation du patient afin de ne pas mettre sa santé en péril puisque chaque cas est unique.
Si les pénuries de médicaments représentaient déjà un enjeu préoccupant avant le début de la crise, elles prennent une tout autre dimension dans notre nouvelle réalité. Alors que bien servir nos patients demande plus de temps qu’à l’habitude, chaque minute est précieuse et chaque patient mérite toute notre attention, crise sanitaire ou pas.
Quand le gouvernement dicte les règles
Pour préserver les stocks nécessaires au traitement de certains patients atteints de la COVID-19, le gouvernement a mis en place ce qui s’appelle des ordonnances collectives. Ainsi le gouvernement demande aux pharmacies communautaires de remplacer un médicament par un autre, bien souvent sans avertissement préalable. Récemment, un médicament fréquemment utilisé pour l’asthme, le salbutamol, a dû être remplacé par un autre pour des centaines de milliers de patients, par le biais de ce qu’on appelle une ordonnance collective.
Imaginez le chaos! Du jour au lendemain, mes pharmaciens et moi-même avons dû faire un nouvel enseignement à chaque patient pour expliquer les différences entre les deux médicaments. Ça peut paraître banal, mais ça représentait un temps fou et nous n’étions pas rémunérés pour le faire. À peine quelques jours plus tard, l’ordonnance a été levée. Était-ce tout de même important de le faire? Tout à fait. Les conséquences de cette décision sur les services en pharmacie ont-elles été mesurées? J’en doute. Est-ce qu’une meilleure concertation entre les instances et les pharmaciens auraient pu permettre une gestion plus efficace de cet enjeu? Assurément.
Loin de moi l’idée de blâmer les décisions des autorités qui visaient à préserver les inventaires d’un produit essentiel pour les patients atteints de la COVID-19. Cette crise est sans précédent, le risque pour la population est bien réel et ce contexte exige solidarité et résilience de la part de tous.
S’il faut apprendre de nos expériences passées, j’espère qu’à l’avenir, malgré l’urgence de la situation, les pharmaciens seront mieux impliqués dans la gestion opérationnelle des pénuries de médicaments. Nous sommes déterminés à offrir le meilleur de nous-mêmes à nos patients et notre collaboration à ce niveau pourrait optimiser la capacité des équipes sur le terrain, au bénéfice de tous.