Par Anne-Catherine McDuff, pharmacienne propriétaire à Brossard
Comme tout entrepreneur, j’accorde la plus haute importance au maintien d’un lien personnel étroit avec ma clientèle. La différence est que dans mon cas, mes clients sont en fait, pour la plupart, mes patients. Ainsi, les mesures de distanciation que nous avons rapidement mises en place au début de la pandémie n’ont pas seulement eu une incidence sur mon modèle d’affaires, mais aussi sur mon modèle de soins. Un modèle basé sur l’accessibilité et la proximité. Un modèle qui permet aussi à nos patients de venir nous voir 7 jours sur 7 pour obtenir des conseils professionnels et cliniques qui leur permettront de trouver rapidement réponse à leurs questions sur leurs médicaments et leurs thérapies ou sur leurs symptômes ou ceux de leurs enfants.
Pour plusieurs de mes patients, mes services sont indispensables pour le suivi et l’efficacité de leur traitement. C’est d’ailleurs ici qu’entre en jeu mon expertise de clinicien, car mon rôle est loin de se restreindre à celui de servir et de livrer des médicaments à mes patients. Pour ne nommer que ces services cliniques, j’effectue fréquemment le suivi clinique de mes patients souffrant de maladies chroniques et je prescris également des médicaments pour des problèmes de santé mineurs en plus de prolonger certaines ordonnances, ce qui peut éviter aux patients de recourir à leur médecin.
Ainsi, nous avons dû redoubler d’efforts et de précautions pour maintenir à flot notre offre de ces services cliniques en toute sécurité en raison de la pandémie. J’ai entendu des histoires tellement inspirantes de la part de mes confrères/consœurs : l’un d’entre eux a organisé un système de service à l’auto pour effectuer la prise de glycémie de ses patients diabétiques; un de mes confrères de Gatineau a rapporté faire ces mêmes suivis à distance grâce aux glucomètres connectés aux téléphones intelligents de ses patients; un autre a ouvert ses portes à une cliente en dehors des heures d’ouverture de la pharmacie pour lui enseigner à utiliser son inhalateur; et un autre s’est déplacé chez une de ses patientes qui n’avait pas reçu la visite habituelle de l’infirmière du CLSC pour effectuer une prise de sang.
Évidemment, je ne peux passer sous silence les nombreuses heures de consultation téléphonique avec nos patients plus âgés, trop souvent seuls et pour qui nous sommes parfois l’unique contact qu’ils auront pendant la journée.
Toutes ces mesures ont demandé du temps, de l’énergie et de l’organisation supplémentaires. Malgré l’absence de soutien de la part du gouvernement, malgré le réseau fragilisé par l’absence de certains employés et les dépenses encourues en raison de la pandémie, nous avons fait tout ce qui était possible pour maintenir nos services essentiels et démontrer à nos patients que le lien de proximité et de confiance qui nous unit pouvait résister aux conséquences de la COVID-19. Néanmoins, l’expérience vécue au cours des derniers mois a laissé des traces importantes. Actuellement, de grandes inquiétudes planent dans le réseau des pharmacies communautaires face aux probabilités d’une deuxième vague de pandémie, combinée à l’opération de vaccination contre l’influenza. Les derniers mois nous ont bien fait comprendre que tous les intervenants du réseau de la santé doivent être solidement outillés et appuyés pour jouer efficacement leur rôle. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons tendu la main au gouvernement; pour relever ce défi, le gouvernement pourra encore une fois compter sur les pharmaciens, mais il faudra nous en donner les moyens.